Des champs de thé, des rizières de montagne, des jardins potagers en terrasse, des camélias et des bambous... une rue principale en pente suivant le tracé de l'ancienne Nakasendō, bordée de maisons en bois anciennes, de l'eau qui court. Partout.
De l'air frais.
Du calme.
Le chose la plus urgente à faire c'est de poser nos valises !
A peine descendues du bus, nous devons gravir cette rue pavée et en pente plutôt raide et nos valises peinent dans les pavés et deviennent rapidement lourdes, mais lourdes !!!
Nous devons faire plusieurs pauses pour récupérer souffle et force.
Mais au fur et à mesure que nous montons cette rue, nous sentons que nous remontons dans... le temps !
Et nous arrivons devant notre auberge... Tajimaya
Enfin délivrées de nos valises, notre minshuku (maison dhôtes) Tajimaya les prenant gentiment en charge avant l'heure du check-in, nous n'avons plus qu'à partir à la découverte ce village... et dans un premier temps, nous devons penser à nous restaurer : nous avons largement dépassé l'heure raisonnable de déjeuner (il est déjà 14 heures passées) et ma fille craint que nous ne trouvions porte close partout !!!
Une ombre de fatigue et d'inquiétude assombrit encore nos visages... mais sera bien vite dissipée !!!
Très rapidement l'âme de Magome nous fait oublier la fatigue du voyage et des derniers mètres, et nous voici parcourant d'un bon pas la rue principale.
Le temps est capricieux et des éclaircies lumineuses chassent par instant les gros nuages gris et chargés de pluie...
Bien sûr Magome est un village touristique (on a même enterré ici les fils électiques !)
Mais c'est aussi un village habité et qui vit !
Une des premières choses remarquables, hormis les boutiques, échoppes et petits restaurants et auberges qui bordent la rue, est l'omniprésence de l'eau.
L'eau fait tourner des moulins, grands et petits et à divers usages : moudre le grain, apporter l'eau à des jardins...
Au bas de la rue principale, au * Masugata (voir plan ci-dessus), là où une chicane fut aménagée aux temps anciens pour casser l'élan des bandits et autres ennemis du village, et juste en face de la lanterne "qui reste éternellement allumée", un gros moulin de bois tourne inlassablement...
Le moulin du Masugata.
Il actionne des meules à moudre (notamment pour faire de la farine de riz et peut-être aussi de sarrasin, ingrédient de base des sobas, une des spécialités de Magome et Tsumago)
La porte de cet ancien moulin est ouverte et permet d'observer un intérieur classique et traditionnel
L'eau court et cascade dans d'impeccables fossés construits de part et d'autre de la chaussée pavée, parfois à l'air libre, parfois couverte de grosses dalles de pierre, elle est prélevée, utilisée par les riverains, elle se fait fontaine, elle chante, elle anime la rue...
Elle est là aussi pour éteindre les départs d'incendie toujours possibles dans ces maisons de bois.
Il faut dire que le feu est un des ennemis pricipal de Magome : presque tous ses bâtiments ont été au moins une fois détruits par le feu !
Des "bornes à incendie" d'un autre temps ponctuent la rue de leur toitons où s'abritent des petits seaux de bois bien rangés en pyramide.
On la retrouve dans des bassins aux carpes agrémentant un jardinet...
Ici c'est plus évident, c'est bien une réserve à poissons...
Ou plus modestement, elle alimente une bassine d'eau courante ou les grands-mères lavent les légumes rapportés du champ, plus haut dans la montagne...
Nous sommes tellement heureuses et fascinées par tout ce que nous voyons, de la plus ancienne boutique ou petite maison de bois en passant par d'infimes détails... que nous en oublions presque notre but prmier du moment : manger ! Pourtant les donuts du petit-déjeuner ne sont plus qu'un souvenir !
Nous trouvons enfin de quoi nous restaurer et nous désaltérer au restaurant-boutique Marujiya (ou MaruOsamu-Ya) 丸治屋
Un thé vert ravigorant nous est servi pendant que nous attendons nos nouilles sautées pour l'une et un bol de soba (Kake soba) かけそば pour l'autre (respectivement ¥600 et ¥650).
Restaurées et l'humeur plus que jamais au beau fixe, nous continuons notre découverte de cette rue principale qui n'en finit pas de grimper !
Nous voici encore en arrêt devant les extérieurs
de la maison "mémorial" de l'écrivain de l'ère Meiji
Shimazaki Tōson (島崎 藤村)
Shimazaki Tōson était le fils du responsable du honjin. Il a passé son enfance dans la ville de Magome-juku. Il a beaucoup écrit sur la vie rurale dans cette région, notamment dans son roman le plus connu, Yoake mae (Avant l'aube / Before the Dawn), basé sur la vie de son père Masaki Shimazaki.
Le honjin où Shimazaki Tōson est né a été transformé en musée qui lui est dédié.
A peu près à mi-parcours de la rue principale de Magome-Juku, un joli petit bureau de Poste et sa boîte à lettres rouge vif jouxte une maison à étage et son moulin à eau.
Et juste après, une modeste maisonnette de bois sombre, sur laquelle est placardée "free rest area", toute vitrée, illuminée par un "cerisier pleurant" rose et un jardinet de jonquilles et autres fleurettes jaune d'or, que nous baptisons illico "la cabane du voyageur" !
Et, qui l'eût cru ? Dans la cabane... un spot de wi-fi gratuit !
Nous ne résistons pas à l'essayage de la cape et du chapeau traditionnels du voyageur (à disposition dans la "cabane").
Initialement les capes étaient le plus souvent végétales (en paille de riz)
Puis nous montons tout en haut du village, vers l'arrêt de bus "Jimba" et au-delà : au point de départ de la Nakasendō que nous prendrons demain pour nous rendre à pied jusqu'à Tsumago, le second village traditionnel de cette vallée de la Kiso.
Le temps alterne du grand soleil aux giboulées brutales, et le chapeau avec le parapluie... C'est le printemps avec ses caprices !
La rue principale croise la route tout en haut du village. L'arrêt de bus "Jimba" est sur la gauche tandis que la Nakasendo file tout droit et passe au bord du restaurant de soba de sarrazin (tout est fait maison) : Keiseian. Il domine la vallée du haut de ses trois niveaux.
Et nous voici arrivées en haut du village d'où s'ouvre un large point de vue sur les maisons, la route, la vallée et les monts alentours (le temps est à la brume aux nuages et giboulées... dommage)
Nous allons maintenant quitter la rue pricipale pour découvrir les alentours de Magome, les champs, les jardins, maisons rustiques et rurales, cimetières, temples...
Ici, comme partout au Japon, une plaque d'égout spécifique et esthétique, à motif floral (fabriquée dans la préfecture de Yamaguchi ?)
L'envers du décors en quelque sorte !
Nous avons toujours aimé les envers de décors !
Ils parlent du quotidien.
Ils parlent vrai.
Pendant la période Edo, chaque ville relais sur les 5 grandes routes, possedait à l'entrée un espace nommé "Masugata" (sorte de "barbacane" ou de "chicane"
, masu signifiant de la forme d'une boîte rectangulaire) construit pour protéger le village des ennemis. Le masugata se comportait comme une "cage" :
il comportait en général deux portes afin de piéger les ennemis entre les deux.
Issu de la tradition chinoise qui veut que les esprits maléfiques ne se déplacent qu'en ligne droite, les Masugata situé à l'entrée d"une ville, village ou même maison individuelle n'était qu'une portion de route formant un angle droit, voire deux angles consécutifs, afin que le "mal", quel qu'il soit, ne pénètre pas dans la ville. Ces masugata relèvent bien plus de la tactique militaire que spirituelle.
Celui de Magome est de cette sorte : la route forme un angle droit et à l'endroit où la pente est la plus escarpée, sous la "lanterne qui reste allumée toute la nuit" et le long du grand moulin en bois.