Les châteaux japonais sont avant tout des structures militaires : ils ne sont pas divisés en chambres ou en salles. Le logis du daimyo est situé dans l'enceinte du château près du donjon.
Sens de la visite
1) Porte d'entrée Ōte-guchi
2) Donjon secondaire de l'aile Nord Inui-Ko-Tenshu
3) Tourelle de liaison Watari-Yagura
4) Donjon principal Tenshu
5) Donjon secondaire de l'aile sud Tatsumi-tsuke-yagura
6) Pavillon "pour regarder la lune" Tsukimi-Yagura
Nous allons patienter et attendre notre tour devant la (1) Ōte-guchi (porte d'entrée).
Une toile a été tendue devant l'entrée principale afin de nous protéger de la pluie ou du soleil, le temps hésitant entre les deux !
L'entrée principale est située au pied et à la droite du (4) Tenshu (donjon) , à la gauche du (2) Inui-Kotenshu (petit donjon), et sous le (3)Watari-Yagura (passage couvert).
Nous sommes filtrés et entrons pas petits groupes.
Juste à l'entrée, on remet à chacun et chacune un sac plastique où nous glissons nos chaussures.
L'intérieur du château est tout en bois, et le plus souvent d'origine, et l'on s'y promène donc en chaussettes, pieds nus ou avec des "mules pantoufles" (propres ou mieux, neuves) que certains
visiteurs prévoyants ont apportées avec eux.
La première salle, au rez-de-chaussée du donjon, servait à entreposer les armes et munition (les kanjis 店 主 servant à désigner le "tenshu" signifient magasin maître, ou entrepôt principal)
On ne s'y attarde pas (elle présente peu d'intérêt et est très sombre) et l'on passe directement dans la salle du premier étage du Inui-Kotenshu.
Le Inui-Kotenshu : donjon secondaire ou Petite Tour du Nord-Ouest.
Dans ce donjon secondaire qui servait également d'entrepôt d'armes et de munitions, on note de gros piliers de bois brut, verticaux et horizontaux, soutenant l'ensemble de la structure. Ils sont de forme cylindrique et "brut" des "boruto hashira" (ou "maruta hashira) 柱 : hashira pilier de bois
Douze d'entre eux, au 2ème et 3ème étage (ce qui correspond au 3e et 4e étage en japonais, le rez-de-chaussée comptant pour un étage) sont d'origine : ils ont environ 400 ans.
Au travers les étroites fenêtres (dont les tategoshi : "fenêtre-grill" aux barreaux de bois), la vue sur les milliers de coroles roses et touffues des cerisisers, atténue l'allure martiale du château noir !
Nous traversons le Watari-Yagura, le passage couvert au-dessus de la porte, entre le Inui-Kotenshu et le donjon principal, le fameux Tenshu.
Ici, se tient une exposition permanente de quelques objets issus de fouilles sur les lieux où se trouvaient les résidences seigneuriales.
Tuiles onigawara frappés aux "kamons" des clans, "carpes tigres" shachi-hoko protectrices...
Onigawara, 鬼瓦 (décoration de la tuile faîtière)
Et kegyo, けぎょ (懸魚) decoration du pignon d'un toit décorant et protégeant l'extrémité de la poutre faîtière et sensé "briser le vent".
Cette planche découpée de forme triangulaire sert de base à un pignon.
On distingue de nombreux petits trous : ce sont les trace des clous. Pour fabriquer le pignon on plantait en effet des clous dans le bois, sur lesquels on fixait en les enroulant autour des clous, des cordes de chanvre. Ensuite on enduisait les cordes et les clous de plâtre. Un pignon se nommait "hahu" qui signifie "briser le vent".
4) le Tenshu
Nous débouchons dans le Tenshu, au 1er étage (le 2ème niveau) ... en attendant que la foule se dissipe, nous parcourons le musha bashiri ("warrior's run" : sorte de corridor ceinturant la salle qui permettait aux guerriers de surveiller et se déplacer rapidement d'un point à un autre), en contre-bas de la grande salle.
Musha-bashiri (1er étage)
"Ce passage est construit 50 cm sous le niveau du plancher principal du 1er étage. Il est plus large que les autres passages similaires construits dans le château. Il s'appelle Musha-bashiri, ce qui signifie "corridor permettant le passage des guerriers". On peut imaginer que ce corridor fut construit pour que les samouraïs en armure -en temps de guerre- puissent courir d'un point à un autre à l'intérieur du château afin de le défendre des attaques. Si vouos regardez bien, vous pourrez constater que les piliers extérieurs forment un arc. c'est aprce qu'ils suivent la ligne de la fondation en pierres qui est incurvée de la même façon."
On peut observer sur les piliers du musha-bashiri des trous : ceux-ci permettaient de monter rapidement de fines cloisons. Ainsi la grande salle pouvait être séparées du corridor.
On pouvait ainsi également séparer la grande salle en quatre plus petites.
Nous en profitons pour jeter un oeil depuis les tategoshi-musha que l'on peut traduire par "fenêtres d'observation pour les guerriers, en forme de grill vertical en bois"... pour faire court ;)
La salle se vide petit à petit. Un nouveau groupe ne saurait tarder !
Nous en faisons le tour, tout en contemplant les poutres soutenant l'étage supérieur et les piliers de belles dimensions.
Presqu'au centre de cette grande salle, une volée de marches mènent au 3ème niveau : les escaliers sont raides et les marches hautes. Tout est fait pour ne pas faciliter l'ascension... des guerriers anciens !
Et des vieilles dames (comme moi ^_~)
Nous voici maintenant au 2ème étage : armure de samouraïs, armes anciennes dont une collection d'arquebuses ralentissent à peine le groupe suivant qui nous a vite rattrapées et nous dépasse rapidement.
Nous laisserons passer les gens pressés... Nous ne le sommes pas, malgré les courants d'air et le froid qui s'intensifie.
Cette collection a été offerte à la ville de Matsumoto en 1991 par Michishige Akahane et son épouse Kayoko.
Cette collection est le fruit de plus de 30 ans de recherche par le couple.
Michishige Akahane était membre du Conseil d'Inspection des armes à feu et des épées du Japon de l'Agence pour les affaires culturelles et de la Société des armes à feu et Histoire du Japon.
Ses objets les plus remarquables sont sans doute la collection de fusils à mèche (arquebuses), dont certains furent utilisés au cours de la bataille pour le château d'Osaka en 1615.
Plus loin des "poires" à poudre noire et des mèches avec leur silex pour les allumer
Tout ici contribue à ne pas nous faire oublier que nous sommes dans une structure à vocation militaire et guerrière.
Toutefois, l'exposition comporte quelques monnaies anciennes de bronze avec le trou carré caractéristiques des sapèques (monnaies asiatiques,, chinoises à l'origine) sont également présentées dans les vitrines.
Ce sont des monnaies de 1 MON (très communes). Celles-ci ont été émises à Matsumoto pendant la période Edo
Nous grimpons d'un niveau et nous retrouvons dans un espace très sombre et bas de plafond : le fameux "3ème étage caché" !
C'est en fait une sorte de grenier du 2ème étage. Il ne comporte quasiment aucune ouverture. Vue de l'extérieur le Tenshu ne semble ainsi comporter que 5 étages au lieu de 6.
Cet étage est le plus sûr de tout le château car invisible depuis l'extérieur.
Il servait essentiellement à stocker de la nourriture, mais également des armes et de la poudre.Cet étage comporte deux escaliers pour grimper au 4ème
Nous arrivons ainsi au quatrième étage. Il est plus lumineux et plus aéré grâce à la présence de fenêtres. De plus piliers ici sont en moins grand nombre et le plafond est plus haut.
le centre de la salle est scindés en trois espaces délimités par des panneaux en voilage.
Ces sortes de pièces sont appelées les "chambres du Seigneur" (Goza no ma) : C'était dans cette
pièce que le seigneur venait se faire seppuku lorsqu'il sentait la défaite approcher. Grâce à ce sacrifice, toute son armée était épargnée et rejoignait les rangs de
l'adversaire.
Nous poursuivons l'ascension du Tenshu.
Un vent porteur du froid des sommets enneigés des montagnes s'engouffre par les ouvertures et nous grelottons !
Et les marches d’escaliers deviennent de plus en plus raides et hautes !
Entre le 4ème et le 5ème étage, la hauteur des marches atteint les 40 cm !!!
Quant à l'inclinaison de l'escalier elle avoisine les 60°
Difficile d'imaginer les samouraïs en armure complète - tel que celui qui se tient dans les jardins du château (pour la photo souvenir) - avec tout leur attirail et leurs armes en train de courir dans ces escaliers !
... et pourtant...
Fort heureusement, les constructeurs ont prévu une volée de marches pour monter...
Et une pour descendre (mais pas partout) !
Nous voici arrivées au 5ème et avant dernier étage reconnaissable à son chidori-hafu (pignon en triangle)
Le 5ème étage était la salle où se dessinaient les tactiques de bataille en cas d'urgence. (Une "war room" d'entreprise en quelque sorte ^__~) !
En effet sa configuration et sa position élevée permettaient d'évaluer l'ensemble de la situation.
Cet étage a conservé ses 30 piliers de bois d'origine.
Il a environ 4 mètres et demie de hauteur sous plafond ce qui en fait l'étage le plus "haut" de tous.
Encore une volée d’escaliers bien raides...
Et nous voici dans ce qui servait de "tour de gué" : le 6ème et dernier étage !
Ce 6ème et dernier étage est à environ 22 mètres de hauteur.
Des cloisons de plâtre délimitent des salles dont les corridors d'observation font el tour.
La charpente de ce dernier étage utilise la technique des poutres incurvées (igeta-bari).
Et sous le toit, nichée dans l’entrelacs des poutres, la "déesse des 26 nuits" (Nijuroku-ya-shin) protège le château.
Une légende dit que le 26 janvier 1618, un des guetteurs eut la vision, d'une très belle femme richement vêtue : elle lui tendit un sac de brocard et lui dit :"si le Seigneur de ce château me sanctifie d'une offrande de 600 kilos de riz, chaque 26ème nuit du mois, je protégerai ce château des incendies et de ses ennemis."
On dit que c'est grâce à ce sac sanctifié par l'offrande que le château est resté intact et dans sa forme originale, jusqu'à nos jours
Ce dernier étage est en plein courant d'air. Il fait glacial...
Malgré la solennité du lieu, la vue extraordinaire qui s'offre à nous, nous ne nous éternisons pas.
5) Le Tatsumi-tsuke-yagura
Le donjon secondaire de l'aile sud
La descente est tout aussi périlleuse que la montée ! Mais nous arrivons dans le donjon secondaire de l'aile Sud (Tatsumi-Tsuke Yagura) : il ne comporte que 2 étages et il relie le Tenshu (donjon) au Tsukimi Yagura (pavillon d'observation de la Lune).
Celui-ci a été construit en temps de paix, pendant l'ère Kannei, en même temps que le Pavillon pour observer la lune (Tsukimi Yagura).
Tous deux son classés "Trésor National".
Alors que les fenêtres du premier étage sont des "mushas" (en forme de grill), celles du second sont d'un style plus récent, "à la chinoise", en forme de "bouton de fleur" (style "kato").
Autre "nouveauté", les fenêtres "kato" sont munies de volets à l'intérieur.
Un étage plus bas, et nous terminons la visite dans le Pavillon d'observation de la Lune
6) le Tsukimi-Yagura
Pavillon d'observation de la lune
On ne peut accéder à ce pavillon que par le Tenshu puis le Tatsumi-Tsuke Yagura qui sert de "passage" entre les deux.
Construit également en temps de paix en 1634 par Matsudaira Naomasa, le Tsukimi-Yagura, pavillon lumineux aux murs blancs et
au plafond en forme de coque de bateau, est très différent de tout ce qui précède. Largement ouvert par de grandes portes
coulissantes (mairado) sur trois horizons, le Nord, l'Est et le Sud, et cerclé du
rouge vermillon de la terrasse, il offre un agréable point de vue sur les jardins et les
douves
Tsukimi, ou les fêtes de l'Observation de la lune ont été célébrés lors de la période Heian, traditionnellement le 15e jour du 8e mois et le 13e jour du 9e mois de l'ancien calendrier solaire japonais.
Lors de ces fêtes l'on décorait le jardin avec des susuki (hautes herbes sauvages à plumeaux argentées [Miscanthus sinensis], des offrandes de pommes de terre, de haricots, de châtaignes, et de saké et l'on mangeait des boulettes de riz pilé appelé Tsukimi Dango.
Même quand la lune n'était pas visible en raison de nuages ou de la pluie, ces fêtes étaient toujours maintenues et très appréciées.
Plus tard, chaque nuit de pleine lune est devenu une occasion de célébrer ces fêtes jusque tard dans la nuit.
La visite se termine pour nous.
Plusieurs groupes nous ont dépassé pendant que nous nous arrêtions pour observer et contempler cet ancien château...
L'après-midi tire déjà à sa fin et la faim tiraille nos estomacs (ne pardons pas de vue les choses de la vie !)
Nous remettons nos chaussures aussi vite que nous le pouvons (mais jamais aussi rapidement que les Japonais !) - nos pieds sont glacés - et voici dehors.
FIN de la visite
Derrière nous la silhouette si caractéristique et inoubliable du "Corbeau" !
La file d'attente devant Ōte-guchi s'est volatilisée...
Difficile de détacher son regard de cette silhouette de ténèbre sur laquelle se posent les pompons des sakuras roses
Nous poursuivons notre route dans les jardins sous une pluie de pétales.
Contrastes encore...